Le Weekly Innovation Digest, c’est la sélection hebdomadaire des actualités tech & innovantes qui nous ont interpellés : Lee Luda, un autre chatbot en roue libre, la France et sa course au numérique, le kiosque, le nouveau jardin urbain.
Lee Luda, un autre chatbot en roue libre.
Lee Luda a été conçue par Scatter Lab, une société Sud Coréenne dont l’activité est essentiellement tournée vers l’ontologie (une grammaire des données en quelque sorte) et la compréhension du langage par la machine.
Ce programme informatique simule une étudiante de 20 ans capable de tenir une conversation avec une ou plusieurs personnes par chat sur Facebook (pour les gens se sentant seuls surtout selon Scatter Lab). Il s’agit d’un chatbot.
En Corée, il y a une vraie culture du chatbot, les Sud-Coréens en utilisent un certain nombre au travers de tous leurs services numériques. C’est par Messenger que les internautes peuvent échanger avec Lee Luda, jusqu’au moment où l’algorithme se met a avoir des propos haineux et offensants.
Ces propos devenant de plus en plus discriminatoires, Lee Luda finit par rapidement attirer l’attention des médias.
Les propos étant de plus en plus discriminatoires, Lee Luda finit par rapidement attirer l’attention des médias.
“ Plus vous tchattez avec Tay, plus elle devient intelligente, afin que l’expérience soit plus personnalisée…”
– Microsoft –
Ce nouvel incident n’est pas sans rappeler Tay, le programme test de Microsoft de 2016. A l’époque, le terrain de jeu était Twitter et les internautes se sont rapidement mis à tester ses limites. En la nourrissant de propos racistes ou homophobes, les twittos ont réussi à la faire dérailler en 8h.
La différence avec Lee Luda, c’est qu’il n’a fallu aucune intervention humaine pour arriver à un résultat sensiblement identique. Le modèle de Lee Luda se nourrit des données issues d’une application de la firme alors que le modèle de Tay apprenait à partir des échanges avec les internautes.
Science of Love, l’application sur laquelle repose le modèle de Lee Luda, est développée par le même développeur et permet à des jeunes Sud-Coréens d’évaluer l’affection que leur portent leurs partenaires en se basant sur leurs échanges par chat.
13 million de personnes l’auraient téléchargée, générant une masse de données énorme pour le modèle d’auto apprentissage de l’IA, nécessaire à l’amélioration continue.
Ce qui signifie, que dans la somme totale de ces données, une quantité suffisamment significative devait être discriminatoire et que l’IA ne fait que mettre en lumière des discriminations latentes de la société sud-coréenne.
Et voilà l’un des principaux problèmes de l’intelligence artificielle, en observant l’algorithme, on peut deviner une partie de l’intention de celui qui l’a programmé et les éléments de contexte peuvent la faire dévier. L’algorithme est un code exécutable, un plan pour la définition du résultat. Ici, réconforter les Sud-Coréens isolés et se sentant seuls. Pour y parvenir il faut que l’IA comprenne les éléments qui définissent sa culture, pour imiter au mieux les prétendantes potentielles de cette tranche d’âge. Si dans ces sources de données un pourcentage significatif des données sont discriminatoires alors l’algorithme ira dans ce sens par déduction.
Comme en 2018 où Amazon a suspendu son algorithme de recrutement après avoir réalisé que les recommandations de celui-ci étaient discriminantes envers les profils de candidates féminines.
Il s’agit du plus grand challenge technique de l’IA et aussi de sa plus grande limite. Dans notre dernier sujet, nous parlions d’ailleurs de la mission impossible que représente la modélisation du monde réel.
Aujourd’hui, le sujet de la sémantique est encore mal maîtrisé par les machines parce qu’il n’est pas question seulement de statistiques.
Comment transformer le sarcasme en données pour permettre à la machine de décoder une notion si biologique ? Les approches actuelles peinent à prendre en compte les subtilités, il s’agit de comprendre la langue, la grammaire et puis de comprendre les pré-requis culturels. Selon plusieurs spécialistes, c’est la principale raison qui va faire plafonner l’IA, qui est déjà très efficace dans des contextes particuliers : les appels d’urgence, l’assistance vocale,…
Ces algorithmes qui imitent l’humain suscitent des questionnements systémiques et des réflexions sur le plan éthique. Une approche plus globale, qui va au-delà de questions strictement technologiques.
En 2016, il y a eu Tay, le programme de Microsoft, en 2018, la tentative Amazon et en 2021, il y a Lee Luda dont le parcours, bien que différent, mène au même résultat.
Le sociologue et technocritique, Jacques Ellul disait “quand l’homme invente une technique, il croit toujours en être le maître, et il finit toujours par cavaler derrière”. On prend cette déclaration avec des pincettes mais presque 5 ans plus tard, est-on en train de se heurter aux parois de la bulle spéculative de l’IA ?
On verra bien, au Lab 303, en découvrant de nouvelles approches comme celle de Muzero dont on parlait dans le WID n°3, on ne pense pas. On garde espoir de trouver le juste milieu avec des IA pertinentes et qui nous aide au quotidien, sans aller jusqu’au Terminator !


La France digitale
Ces deux dernières semaines ont été riches en annonces. La France positionne fermement ses ambitions digitales : dès 2021, l’Europe va s’atteler à rattraper son retard technologique face aux GAFA américains et aux BATX Chinois
Les 4 grosses annonces que l’on a retenu sont :
- 1/ Le projet de Mobilité Aérienne Urbaine avec la RATP et ADP le 15/01/21
- 2/ Le “Plan Quantique” annoncé par Emmanuel Macron le 21/01/21
- 3/ Le projet Gaia-X, le cloud Européen le 22/01/21
- 4/ Le projet conjoint de e-Santé avec Sanofi, Cap, Gemini, Generali et Orange le 25/01/21
1/ Le groupe ADP, la région Ile-de-France, et la RATP, ont mis en place une filière de Mobilité Aérienne Urbaine en Île-de-France. Des expérimentations avec des taxis volants démarreront dès juin 2021 depuis l’aérodrome de Pontoise. Volocopter est le premier constructeur de véhicules électriques à décollage vertical (eVTOL), à avoir été sélectionné avec son VoloCity, cet étonnant véhicule à 18 hélices que nous avions découvert lors du CES 2018.
Depuis Volocopter a déjà réalisé une série de tests à l’aéroport d’Helsinki, elle a démontré que son taxi volant est compatible avec le reste du trafic aérien. L’entreprise sera donc la première à pouvoir tester son engin volant, suivi par 8 autres constructeurs internationaux qui pourront ainsi partager leurs expertises.
L’objectif est de faire émerger tout un écosystème pour les Jeux Olympiques de 2024. Si les tests s’avèrent concluants, la filière de Mobilité Aérienne Urbaine pourrait bien proposer une offre commerciale à l’horizon 2030.
2/ Le plan Quantique, annoncé le 21 janvier 2021 au pôle universitaire de Paris-Saclay, par Emmanuel Macron. Le Plan Quantique entend organiser les forces industrielles et de recherche du pays pour faire de la France un acteur majeur des technologies quantiques.
Le Plan Quantique prévoit des actions en faveur de la recherche (en particulier sur les ordinateurs, les capteurs et les communications quantiques), l’industrie et la formation, financé à hauteur de 1,8 milliard d’euros dont 1 milliard directement financé par l’Etat.
Un effort de R&D intensif qui doit permettre d’identifier les pistes technologiques qui pourraient aboutir à un marché d’ici 5 ans, et à un ordinateur hybride à l’horizon 2023.
3/ Le projet Gaia-X, le cloud Européen, a inauguré sa première plénière vendredi 22 janvier pour dévoiler sa feuille de route, porté par le Cigref, l’Académie des technologies, le pôle de compétitivité Systematic Paris-Region et la Direction générale des Entreprises.
Tout génère des données et actuellement tout n’est pas toujours hébergé en Europe.
L’enjeu c’est de fédérer tous les acteurs de l’hébergement en Europe pour s’assurer que ces données ne fuient pas ailleurs, qu’elles soient hébergées sur des serveurs sécurisés et qu’elles soient simples à transférer, récupérer ou supprimer sur simple demande.
Il s’agit de garantir la souveraineté des données en somme.
L’objectif est aussi de le faire par secteurs pour adapter les besoins à chaque secteur d’activité.
« à l’heure actuelle, 80 % des opérations de traitement et d’analyse des données se déroulent dans des centres de données et des installations informatiques centralisées, et 20 % dans des objets connectés tels que des voitures, des appareils ménagers ou des robots de l’industrie manufacturière, ainsi que des installations informatiques proches de l’utilisateur. D’ici à 2025, ces proportions vont probablement s’inverser ».
– Jean-Luc Beylat, président du pôle de compétitivité Systematic Paris-Region –
4/ Sanofi, Capgemini, Generali et Orange annoncent un projet Européen pour le développement de solutions concrètes dans le domaine de l’eSanté.
Doté d’un investissement initial de 24 millions d’euros, ce projet a pour objectif d’accélérer le développement de solutions concrètes en matière de santé et leur mise à disposition sur le marché. Il se concrétisera en 2021 par la création d’une plateforme web rassemblant des experts, institutions, universités, hôpitaux et startups au profit des patients et professionnels de santé, et par l’ouverture d’un lieu où des professionnels de santé et des patients pourront tester des solutions de e-santé.
Ca fait un paquet d’annonces, et on ne pouvait pas finir le mois sans vous en parler.
Au Lab on est toujours optimistes, positifs et enjoués, donc on a hâte de voir les premières applications concrètes qui vont ressortir de toutes ces grandes nouvelles.
Non parce qu’on connaît bien les effets d’annonces… mais on connaît surtout Killed by Google, la page des projets enterrés de Google…

Aller au kiosque comme l’on se rendrait dans son jardin ou la ferme avec JCDecaux
Parlons Smart-Cities et kiosques à journaux.
Vous connaissez ces petites échoppes, avec leurs frises style 1900 et leurs dômes à flèches, présentes dans certaines grandes villes de France ?
Peu importe d’où vous nous lisez, vous avez certainement croisé un kiosque quelque part puisqu’on en compte au moins 780 dans tout le pays.
Ces dernières années, ils ont pas mal évolué et 133 d’entre eux ont servi d’abris à un certain nombre de nouveaux services inédits. Celui que l’on trouve en bas de chez nous, propose un service de conciergerie et on en a vu proposer de la vente de fleurs, ou même de la restauration rapide !
Depuis samedi 16 janvier, vous pourrez venir y acheter vos fruits et légumes. En région parisienne, dans un premier temps.
Cette initiative est portée par JCDecaux qui est devenu actionnaire majoritaire des kiosques en 2011, MediaKiosk son entité spécialiste des kiosques en France et la start-up La Clayette.
A Meudon dans le 92 vous pourrez tenter l’expérience inédite d’aller chercher vos produits frais à tout moment de la journée, en libre service dans ce kiosque aménagé spécialement de petits frigos. L’offre est assez large puisqu’elle va du panel de fruits et légumes de saison jusqu’au “paniers apéros” et elle est renouvelée tous les jours.
« Notre objectif premier est de faciliter la consommation responsable et de proposer des débouchés à nos producteurs partenaires, un pari qui nous tient à cœur ».
– Nicolas Drique, fondateur La Clayette –
Les 76 casiers réfrigérés que vous y trouverez proposent des produits issus de circuits courts (c’est le crédo de La Clayette) et achetés à prix équitables aux producteurs locaux.
Et ça… C’est bon pour l’artisanat et pour la planète.
Le parcours client est ultra simplifié, à travers la vitre, on peut voir le contenu du panier, on renseigne le numéro du casier qui nous intéresse sur la borne de paiement sans contact et hop, on récupère nos produits. Cette innovation a vocation à s’inscrire dans une démarche éco-responsable et zéro déchets. Le packaging est prévu dans ce sens, vous êtes invités à amener votre sac de transport et les produits sont stockés dans des contenants en bois réutilisables.
Et la cerise sur le gâteau ? Tout le matériel est produit en France selon Denis Legho, le maire de Meudon.
Le kiosque de Meudon était fermé depuis des années, ce projet donne une seconde vie à ce mobilier urbain inscrit dans notre patrimoine et qui se trouvait en difficulté suite à la baisse du marché de la presse. Pour nous c’est ici que se trouve la vraie innovation. Une réponse super solide pour allier patrimoine et Smart-Cities.
En soit, des initiatives comme celle de Meudon, bien que moins médiatisées, fonctionnent déjà depuis quelques années.
A l’instar du Panier du Citadin qui a ouvert une boutique dans le 18e arrondissement de Paris, alignés sur les mêmes objectifs d’équité et le même fonctionnement depuis plus de 2 ans déjà. Avec une dimension solidaire en plus puisque toute la logistique est organisée en partenariat avec un ESAT (un établissement de travail protégé qui emploie des personnes en situation de handicap).
La suite du projet de JCDecaux s’annonce très intéressante puisqu’à moyen terme le site web de La Clayette devrait proposer un service de réservation en ligne et ouvrir ses commandes sur l’application Click and Collect.
Au Lab nous espérons que plein d’autres initiatives de ce genre vont émerger un peu partout en Hexagone et aider à transformer des éléments familiers du paysage des villes qui ont prouvé leur capacité à traverser le temps. Et puis c’est quand même bien plus utile que le mobilier urbain d’information, au risque de froisser les colonnes Morris.
